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lui avait fait passer une montagne à dos de mulet ; il jurait qu’on ne le reprendrait plus à faire de grands voyages. Baldi remit à la marquise trois exemplaires de la lettre qu’elle lui avait dictée, et cinq ou six autres lettres de la même écriture, composées par Riscara, et dont on pourrait peut-être tirer parti par la suite. L’une de ces lettres contenait de fort jolies plaisanteries sur les peurs que le prince avait la nuit, et sur la déplorable maigreur de la marquise Balbi, sa maîtresse, laquelle laissait, dit-on, la marque d’une pincette sur le coussin des bergères après s’y être assise un instant. On eût juré que toutes ces lettres étaient écrites de la main de madame Sanseverina.

— Maintenant je sais à n’en pas douter, dit la marquise, que l’ami du cœur, que le Fabrice est à Bologne ou dans les environs…

— Je suis trop malade, s’écria le comte Baldi en l’interrompant ; je demande en grâce d’être dispensé de ce second voyage, ou du moins je voudrais obtenir quelques jours de repos pour remettre ma santé.

— Je vais plaider votre cause, dit Riscara ; il se leva et parla bas à la marquise.

— Eh bien ! soit, j’y consens, répondit-elle en souriant.

— Rassurez-vous, vous ne partirez point, dit la marquise à Baldi d’un air assez dédaigneux.

— Merci ! s’écria celui-ci avec l’accent du cœur.