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reste que cette ressource : vous périssez si vous ne tentez rien. Je ne puis plus vous regarder, j’en ai fait le vœu ; mais si dimanche, vers le soir, vous me voyez entièrement vêtue de noir, à la fenêtre accoutumée, ce sera le signal que la nuit suivante tout sera disposé autant qu’il est possible à mes faibles moyens. Après onze heures, peut-être seulement à minuit ou une heure, une petite lampe paraîtra à ma fenêtre, ce sera l’instant décisif ; recommandez-vous à votre saint patron, prenez en hâte les habits de prêtre dont vous êtes pourvu, et marchez.

« Adieu, Fabrice, je serai en prière et répandant les larmes les plus amères, vous pouvez le croire, pendant que vous courrez de si grands dangers. Si vous périssez, je ne vous survivrai point ; grand Dieu ! qu’est-ce que je dis ? Mais si vous réussissez je ne vous reverrai jamais. Dimanche, après la messe, vous trouverez dans votre prison l’argent, les poisons, les cordes, envoyés par cette femme terrible qui vous aime avec passion, et qui m’a répété jusqu’à trois fois qu’il fallait prendre ce parti. Dieu vous sauve et la sainte Madone ! »

Fabio Conti était un geôlier toujours inquiet, toujours malheureux, voyant toujours en songe quelqu’un de ses prisonniers lui échapper : il était abhorré de tout ce qui était dans la citadelle ;