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avant huit heures du matin, pour votre château de Velleja ; son altesse vous fera connaître quand vous pourrez revenir à Parme. »

Le prince chercha des yeux ceux de la duchesse, laquelle, sans le remercier comme il s’y attendait, lui fit une révérence extrêmement respectueuse et sortit rapidement.

— Quelle femme ! dit le prince en se tournant vers le comte Mosca.

Celui-ci, ravi de l’exil de la marquise Raversi, qui facilitait toutes ses actions comme ministre, parla pendant une grosse demi-heure en courtisan consommé ; il voulait consoler l’amour-propre du souverain, et ne prit congé que lorsqu’il le vit bien convaincu que l’histoire anecdotique de Louis XIV n’avait pas de page plus belle que celle qu’il venait de fournir à ses historiens futurs.

En rentrant chez elle, la duchesse ferma sa porte, et dit qu’on n’admît personne, pas même le comte. Elle voulait se trouver seule avec elle-même, et voir un peu quelle idée elle devait se former de la scène qui venait d’avoir lieu. Elle avait agi au hasard et pour se faire plaisir au moment même ; mais à quelque démarche qu’elle se fût laissé entraîner, elle y eût tenu avec fermeté. Elle ne se fût point blâmée en revenant au sang-froid, encore moins repentie : tel était le caractère auquel elle devait d’être encore à trente-six ans la plus jolie femme de la cour.