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lui sera présentée. Le prince le remercia d’un coup d’œil en signant.

Le comte eut grand tort : le prince était fatigué et eût tout signé ; il croyait se bien tirer de la scène, et toute l’affaire était dominée à ses yeux par ces mots : « Si la duchesse part, je trouverai ma cour ennuyeuse avant huit jours. » Le comte remarqua que le maître corrigeait la date et mettait celle du lendemain. Il regarda la pendule : elle marquait près de minuit. Le ministre ne vit dans cette date corrigée que l’envie pédantesque de faire preuve d’exactitude et de bon gouvernement. Quant à l’exil de la marquise Raversi, il ne fit pas un pli : le prince avait un plaisir particulier à exiler les gens.

— Général Fontana ! s’écria-t-il en entr’ouvrant la porte.

Le général parut avec une figure tellement étonnée et tellement curieuse, qu’il y eut échange d’un regard gai entre la duchesse et le comte, et ce regard fit la paix.

— Général Fontana, dit le prince, vous allez monter dans ma voiture qui attend sous la colonnade ; vous irez chez la marquise Raversi, vous vous ferez annoncer ; si elle est au lit, vous ajouterez que vous venez de ma part, et, arrivé dans sa chambre, vous direz ces précises paroles, et non d’autres : « Madame la marquise Raversi, son altesse sérénissime vous engage à partir demain,