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d’un bouquet de bois : la vivandière vit trois ou quatre soldats des nôtres qui venaient à elle courant à toutes jambes ; elle sauta lestement à bas de sa voiture et courut se cacher à quinze ou vingt pas du chemin. Elle se blottit dans un trou qui était resté au lieu où l’on venait d’arracher un grand arbre. Donc, se dit Fabrice, je vais voir si je suis un lâche ! Il s’arrêta auprès de la petite voiture abandonnée par la cantinière et tira son sabre. Les soldats ne firent pas attention à lui et passèrent en courant le long du bois, à gauche de la route.

— Ce sont des nôtres, dit tranquillement la vivandière en revenant tout essoufflée vers sa petite voiture… Si ton cheval était capable de galoper, je te dirais : Pousse en avant jusqu’au bout du bois, vois s’il y a quelqu’un dans la plaine. Fabrice ne se le fit pas dire deux fois : il arracha une branche à un peuplier, l’effeuilla et se mit à battre son cheval à tour de bras ; la rosse prit le galop un instant, puis revint à son petit trot accoutumé. La vivandière mit son cheval au galop :

— Arrête-toi donc, arrête ! criait-elle à Fabrice. Bientôt tous les deux furent hors du bois ; en arrivant au bord de la plaine, ils entendirent un tapage effroyable : le canon et la mousqueterie tonnaient de tous les côtés, à droite, à gauche, derrière. Et comme le bouquet de bois d’où ils sortaient occupait un tertre élevé de huit ou dix