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quis del Dongo, eût pu sauver Prina en lui ouvrant la grille de l’église de San Giovanni, devant laquelle on traînait le malheureux ministre, qui même un instant fut abandonné dans le ruisseau, au milieu de la rue ; mais il refusa d’ouvrir sa grille avec dérision, et, six mois après, le marquis eut le bonheur de lui faire obtenir un bel avancement.

Il exécrait le comte Pietranera, son beau-frère, lequel, n’ayant pas 50 louis de rente, osait être assez content, s’avisait de se montrer fidèle à ce qu’il avait aimé toute sa vie, et avait l’insolence de prôner cet esprit de justice sans acception de personnes, que le marquis appelait un jacobinisme infâme. Le comte avait refusé de prendre du service en Autriche ; on fit valoir ce refus, et, quelques mois après la mort de Prina, les mêmes personnages qui avaient payé les assassins obtinrent que le général Pietranera serait jeté en prison. Sur quoi la comtesse, sa femme, prit un passe-port et demanda des chevaux de poste pour aller à Vienne dire la vérité à l’empereur. Les assassins de Prina eurent peur, et l’un d’eux, cousin de madame Pietranera, vint lui apporter à minuit, une heure avant son départ pour Vienne, l’ordre de mettre en liberté son mari. Le lendemain, le général autrichien fit appeler le comte Pietranera, le reçut avec toute la distinction possible, et l’assura que sa pension de retraite ne