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d’armes du fameux Battistin à Naples, et qu’il allait châtier son insolence ; la colère du comte M*** ayant enfin reparu : il se battit avec assez de fermeté, ce qui n’empêcha point Fabrice de lui donner un fort beau coup d’épée dans la poitrine, qui le retint au lit plusieurs mois. Ludovic, en donnant les premiers soins au blessé, lui dit à l’oreille : Si vous dénoncez ce duel à la police, je vous ferai poignarder dans votre lit.

Fabrice se sauva dans Florence ; comme il s’était tenu caché à Bologne, ce fut à Florence seulement qu’il reçut toutes les lettres de reproches de la duchesse ; elle ne pouvait lui pardonner d’être venu à son concert et de ne pas avoir cherché à lui parler. Fabrice fut ravi des lettres du comte Mosca : elles respiraient une franche amitié et les sentiments les plus nobles. Il devina que le comte avait écrit à Bologne, de façon à écarter les soupçons qui pouvaient peser sur lui relativement au duel ; la police fut d’une justice parfaite : elle constata que deux étrangers, dont l’un seulement, le blessé, était connu (le comte M***), s’étaient battus à l’épée, devant plus de trente paysans, au milieu desquels se trouvait vers la fin du combat le curé du village, qui avait fait de vains efforts pour séparer les duellistes. Comme le nom de Joseph Bossi n’avait point été prononcé, moins de deux mois après, Fabrice osa revenir à Bologne, plus convaincu que jamais que sa destinée le condamnait à ne jamais con-