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lice, quoique l’on fût dans la montagne à cinq grandes lieues de Bologne ; il finit par adresser à son rival les injures les plus atroces ; enfin il eut le bonheur de mettre en colère le comte M***, qui saisit une épée et marcha sur Fabrice ; le combat s’engagea assez mollement.

Après quelques minutes, il fut interrompu par un grand bruit. Notre héros avait bien senti qu’il se jetait dans une action, qui, pendant toute sa vie, pourrait être pour lui un sujet de reproches ou du moins d’imputations calomnieuses. Il avait expédié Ludovic dans la campagne pour lui recruter des témoins. Ludovic donna de l’argent à des étrangers qui travaillaient dans un bois voisin ; ils accoururent en poussant des cris, pensant qu’il s’agissait de tuer un ennemi de l’homme qui payait. Arrivés à l’auberge, Ludovic les pria de regarder de tous leurs yeux, et de voir si l’un de ces deux jeunes gens qui se battaient, agissait en traître et prenait sur l’autre des avantages illicites.

Le combat un instant interrompu par les cris de mort des paysans tardait à recommencer ; Fabrice insulta de nouveau la fatuité du comte. — Monsieur le comte, lui criait-il, quand on est insolent, il faut être brave. Je sens que la condition est dure pour vous, vous aimez mieux payer des gens qui sont braves. Le comte, de nouveau piqué, se mit à lui crier qu’il avait longtemps fréquenté la salle