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Vers les six heures du matin, le lendemain, on servit à déjeuner au comte M***, puis on ouvrit une porte de la chambre où il était gardé, et on l’engagea à passer dans la cour d’une auberge de campagne ; cette cour était environnée de haies et de murs assez hauts, et les portes en étaient soigneusement fermées.

Dans un angle, sur une table de laquelle on invita le comte M*** à s’approcher, il trouva quelques bouteilles de vin et d’eau-de-vie, deux pistolets, deux épées, deux sabres, du papier et de l’encre ; une vingtaine de paysans étaient aux fenêtres de l’auberge qui donnaient sur la cour. Le comte implora leur pitié. — On veut m’assassiner ! s’écria-t-il ; sauvez-moi la vie !

— Vous vous trompez, ou vous voulez tromper ! lui cria Fabrice qui était à l’angle opposé de la cour, à côté d’une table chargée d’armes ; il avait mis habit bas, et sa figure était cachée par un de ces masques en fil de fer qu’on trouve dans les salles d’armes.

— Je vous engage, ajouta Fabrice, à prendre le masque en fil de fer qui est près de vous, ensuite avancez vers moi avec une épée ou des pistolets ; comme on vous l’a dit hier soir, vous avez le choix des armes.

Le comte M*** élevait des difficultés sans nombre, et semblait fort contrarié de se battre ; Fabrice, de son côté, redoutait l’arrivée de la po-