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le comte eut l’idée, le lendemain matin, de le faire passer aux yeux du prince pour le téméraire qui, ayant prétendu enlever la Fausta au comte M***, avait été mystifié. Le port des pistolets de poche est puni de trois ans de galères à Parme ; mais cette peine n’est jamais appliquée. Après quinze jours de prison, pendant lesquels le savant n’avait vu qu’un avocat, qui lui avait fait une peur horrible des lois atroces dirigées par la pusillanimité des gens au pouvoir contre les porteurs d’armes cachées ; un autre avocat visita la prison et lui raconta la promenade infligée par le comte M*** à un rival qui était resté inconnu. La police ne veut pas avouer au prince qu’elle n’a pu savoir quel est ce rival : Avouez que vous vouliez plaire à la Fausta, que cinquante brigands vous ont enlevé comme vous chantiez sous sa fenêtre, que pendant une heure on vous a promené en chaise à porteurs sans vous adresser autre chose que des honnêtetés. Cet aveu n’a rien d’humiliant, on ne vous demande qu’un mot. Aussitôt après qu’en le prononçant vous aurez tiré la police d’embarras, elle vous embarque dans une chaise de poste et vous conduit à la frontière, où l’on vous souhaite le bonsoir.

Le savant résista pendant un mois ; deux ou trois fois le prince fut sur le point de le faire amener au ministère de l’intérieur, et de se trouver présent à l’interrogatoire. Mais enfin il n’y songeait plus quand l’historien, ennuyé, se détermina à tout