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il vit que l’on allait passer à l’extrémité de la rue où était situé le palais Sanseverina.

Comme on tournait la rue qui y conduit, il ouvre avec rapidité la porte de la chaise, pratiquée sur le devant, saute par-dessus l’un des bâtons, renverse d’un coup de poignard l’un des estafiers qui lui portait sa torche au visage ; il reçoit un coup de dague dans l’épaule ; un second estafier lui brûle la barbe avec sa torche allumée, et enfin Fabrice arrive à Ludovic, auquel il crie : Tue ! tue tout ce qui porte des torches ! Ludovic donne des coups d’épée et le délivre de deux hommes qui s’attachaient à le poursuivre. Fabrice arrive en courant jusqu’à la porte du palais Sanseverina ; par curiosité, le portier avait ouvert la petite porte haute de trois pieds pratiquée dans la grande, et regardait tout ébahi ce grand nombre de flambeaux. Fabrice entre d’un saut et ferme derrière lui cette porte en miniature ; il court au jardin et s’échappe par une porte qui donnait sur une rue solitaire. Une heure après, il était hors de la ville, au jour il passait la frontière des États de Modène et se trouvait en sûreté. Le soir il entra dans Bologne. Voici une belle expédition, se dit-il ; je n’ai pas même pu parler à ma belle. Il se hâta d’écrire des lettres d’excuse au comte et à la duchesse, lettres prudentes, et qui, en peignant ce qui se passait dans son cœur, ne pouvaient rien apprendre à un ennemi. J’étais amoureux de l’amour, disait-il