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bride de son cheval, deux autres s’emparèrent de ses bras. Ludovic et les bravi de Fabrice furent assaillis, mais purent se sauver ; ils tirèrent quelques coups de pistolet. Tout cela fut l’affaire d’un instant : cinquante flambeaux allumés parurent dans la rue en un clin d’œil et comme par enchantement. Tous ces hommes étaient bien armés. Fabrice avait sauté à bas de son cheval, malgré les gens qui le retenaient ; il chercha à se faire jour ; il blessa même un des hommes qui lui serrait les bras avec des mains semblables à des étaux ; mais il fut bien étonné d’entendre cet homme lui dire du ton le plus respectueux :

— Votre altesse me fera une bonne pension pour cette blessure, ce qui vaudra mieux pour moi que de tomber dans le crime de lèse-majesté, en tirant l’épée contre mon prince.

Voici justement le châtiment de ma sottise, se dit Fabrice ; je me serai damné pour un péché qui ne me semblait point aimable.

À peine la petite tentative de combat fut-elle terminée, que plusieurs laquais en grande livrée parurent avec une chaise à porteurs dorée et peinte d’une façon bizarre : c’était une de ces chaises grotesques dont les masques se servent pendant le carnaval. Six hommes, le poignard à la main, prièrent son altesse d’y entrer, lui disant que l’air frais de la nuit pourrait nuire à sa voix ; on affectait les formes les plus respectueuses, le nom de