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d’un jeune élève en théologie, et courut à Saint-Jean ; il choisit sa place derrière un des tombeaux qui ornent la troisième chapelle à droite ; il voyait tout ce qui se passait dans l’église par-dessous le bras d’un cardinal que l’on a représenté à genoux sur sa tombe ; cette statue ôtait la lumière au fond de la chapelle et le cachait suffisamment. Bientôt il vit arriver la Fausta, plus belle que jamais ; elle était en grande toilette, et vingt adorateurs appartenant à la plus haute société lui faisaient cortège. Le sourire et la joie éclataient dans ses yeux et sur ses lèvres ; il est évident, se dit le malheureux jaloux, qu’elle compte rencontrer ici l’homme qu’elle aime, et que depuis longtemps peut-être, grâce à moi, elle n’a pu voir. Tout à coup, le bonheur le plus vif sembla redoubler dans les yeux de la Fausta : Mon rival est présent, se dit M***, et sa fureur de vanité n’eut plus de bornes. Quelle figure est-ce que je fais ici, servant de pendant à un jeune prince qui se déguise ? Mais quelques efforts qu’il pût faire, jamais il ne parvint à découvrir ce rival que ses regards affamés cherchaient de toutes parts.

À chaque instant la Fausta, après avoir promené les yeux dans toutes les parties de l’église, finissait par arrêter des regards, chargés d’amour et de bonheur, sur le coin obscur où M*** s’était caché. Dans un cœur passionné, l’amour est sujet à exagérer les nuances les plus légères, il en tire