Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/397

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 361 —

avait procuré une belle perruque anglaise avec des cheveux du plus beau rouge. À propos de la couleur de ces cheveux, qui était celle des flammes qui brûlaient son cœur, il fit un sonnet que la Fausta trouva charmant ; une main inconnue avait eu soin de le placer sur son piano. Cette petite guerre dura bien huit jours ; mais Fabrice trouvait que, malgré ses démarches de tout genre, il ne faisait pas de progrès réels ; la Fausta refusait de le recevoir. Il outrait la nuance de singularité ; elle a dit depuis qu’elle avait peur de lui. Fabrice n’était plus retenu que par un reste d’espoir d’arriver à sentir ce qu’on appelle de l’amour, mais souvent il s’ennuyait.

— Monsieur, allons-nous-en, lui répétait Ludovic, vous n’êtes point amoureux ; je vous vois un sang-froid et un bon sens désespérants. D’ailleurs vous n’avancez point ; par pure vergogne, décampons. Fabrice allait partir au premier moment d’humeur, lorsqu’il apprit que la Fausta devait chanter chez la duchesse Sanseverina. Peut-être que cette voix sublime achèvera d’enflammer mon cœur, se dit-il ; et il osa bien s’introduire déguisé dans ce palais où tous les yeux le connaissaient. Qu’on juge de l’émotion de la duchesse, lorsque tout à fait vers la fin du concert elle remarqua un homme en livrée de chasseur, debout près de la porte du grand salon ; cette tournure rappelait quelqu’un. Elle chercha le comte Mosca, qui seulement alors lui apprit l’insigne et vraiment incroyable