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aucun des titres qui donnent à un homme le droit de se faire appeler excellence par ses domestiques.

Fabrice vit l’espion et s’en moqua fort ; il ne songeait plus ni aux passe-ports ni à la police, et s’amusait de tout comme un enfant. Pépé, qui avait ordre de rester auprès de lui, le voyant fort content de Ludovic, aima mieux aller porter lui-même de si bonnes nouvelles à la duchesse. Fabrice écrivit deux très longues lettres aux personnes qui lui étaient chères ; puis il eut l’idée d’en écrire une troisième au vénérable archevêque Landriani. Cette lettre produisit un effet merveilleux, elle contenait un récit fort exact du combat avec Giletti. Le bon archevêque, tout attendri, ne manqua pas d’aller lire cette lettre au prince, qui voulut bien l’écouter, assez curieux de voir comment ce jeune monsignore s’y prenait pour excuser un meurtre aussi épouvantable. Grâce aux nombreux amis de la marquise Raversi, le prince, ainsi que toute la ville de Parme, croyait que Fabrice s’était fait aider par vingt ou trente paysans pour assommer un mauvais comédien qui avait l’insolence de lui disputer la petite Marietta. Dans les cours despotiques, le premier intrigant adroit dispose de la vérité, comme la mode en dispose à Paris.

— Mais, que diable ! disait le prince à l’archevêque, on fait faire ces choses-là par un autre ; mais les faire soi-même, ce n’est pas l’usage ; et