Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/369

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 333 —

— Je meurs de faim, dit Fabrice à Ludovic, en le rejoignant.

— N’entrons point dans un cabaret, allons au logement ; la maîtresse de la maison ira vous acheter ce qu’il faut pour déjeuner ; elle volera une vingtaine de sous et en sera d’autant plus attachée au nouvel arrivant.

— Ceci ne tend à rien moins qu’à me faire mourir de faim une grande heure de plus, dit Fabrice en riant avec la sérénité d’un enfant, et il entra dans un cabaret voisin de Saint-Pétrone. À son extrême surprise, il vit, à une table voisine de celle où il s’était placé, Pépé, le premier valet de chambre de sa tante, celui-là même qui autrefois était venu à sa rencontre jusqu’à Genève. Fabrice lui fit signe de se taire ; puis, après avoir déjeuné rapidement, le sourire du bonheur errant sur ses lèvres, il se leva ; Pépé le suivit, et, pour la troisième fois, notre héros entra dans Saint-Pétrone. Par discrétion, Ludovic resta à se promener sur la place.

— Hé, mon Dieu, monseigneur ! comment vont vos blessures ? Madame la duchesse est horriblement inquiète : un jour entier elle vous a cru mort, abandonné dans quelque île du Pô ; je vais lui expédier un courrier à l’instant même. Je vous cherche depuis six jours, j’en ai passé trois à Ferrare, courant toutes les auberges.

— Avez-vous un passe-port pour moi ?