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plus mes blessures, dit-il à Ludovic en l’abordant ; mais avant tout je dois vous demander pardon ; je vous ai répondu avec humeur lorsque vous êtes venu me parler dans l’église : je faisais mon examen de conscience. Hé bien ! où en sont nos affaires ?

— Elles vont au mieux : j’ai arrêté un logement, à la vérité bien peu digne de votre excellence, chez la femme d’un de mes amis, qui est fort jolie et de plus intimement liée avec l’un des principaux agents de la police. Demain j’irai déclarer comme quoi nos passe-ports nous ont été volés ; cette déclaration sera prise en bonne part ; mais je paierai le port de la lettre que la police écrira à Casal-Maggiore, pour savoir s’il existe dans cette commune un nommé Ludovic San-Micheli, lequel a un frère, nommé Fabrice, au service de madame la duchesse Sanseverina, à Parme. Tout est fini, siamo a cavallo. (Proverbe italien : Nous sommes sauvés.)

Fabrice avait pris tout à coup un air fort sérieux : il pria Ludovic de l’attendre un instant, rentra dans l’église presque en courant, et à peine y fut-il que de nouveau il se précipita à genoux ; il baisait humblement les dalles de pierre. C’est un miracle, Seigneur, s’écriait-il les larmes aux yeux : quand vous avez vu mon âme disposée à rentrer dans le devoir, vous m’avez sauvé. Grand Dieu ! il est possible qu’un jour je sois tué dans