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que Ludovic la vit paraître au loin, il appela Fabrice, qui écrivit deux lettres.

— Votre excellence a bien plus de connaissances que moi, dit Ludovic d’un air peiné, et je crains bien de lui déplaire au fond du cœur, quoi qu’elle en dise, si j’ajoute une certaine chose.

— Je ne suis pas aussi nigaud que vous le pensez, répondit Fabrice, et, quoi que vous puissiez dire, vous serez toujours à mes yeux un serviteur fidèle de ma tante, et un homme qui a fait tout au monde pour me tirer d’un fort vilain pas.

Il fallut bien d’autres protestations encore pour décider Ludovic à parler, et quand enfin il en eut pris la résolution, il commença par une préface qui dura bien cinq minutes. Fabrice s’impatienta, puis il se dit : À qui la faute ? à notre vanité que cet homme a fort bien vue du haut de son siège. Le dévouement de Ludovic le porta enfin à courir le risque de parler net.

— Combien la marquise Raversi ne donnerait-elle pas au piéton que vous allez expédier à Parme pour avoir ces deux lettres ! Elles sont de votre écriture, et par conséquent font preuves judiciaires contre vous. Votre excellence va me prendre pour un curieux indiscret ; en second lieu, elle aura peut-être honte de mettre sous les yeux de madame la duchesse ma pauvre écriture de cocher ; mais enfin votre sûreté m’ouvre la bouche, quoique vous puissiez me croire un impertinent.