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pouvais avoir droit, madame m’a dit que pour me donner le loisir de faire des sonnets, car je suis poëte en langue vulgaire, elle m’accordait vingt-quatre écus, et monsieur le comte m’a dit que si jamais j’étais malheureux, je n’avais qu’à venir lui parler. J’ai eu l’honneur de mener monsignore pendant un relais lorsqu’il est allé faire sa retraite comme un bon chrétien à la chartreuse de Velleja.

Fabrice regarda cet homme et le reconnut un peu. C’était un des cochers les plus coquets de la casa Sanseverina : maintenant qu’il était riche, disait-il, il avait pour tout vêtement une grosse chemise déchirée et une culotte de toile, jadis teinte en noir, qui lui arrivait à peine aux genoux ; une paire de souliers et un mauvais chapeau complétaient l’équipage. De plus, il ne s’était pas fait la barbe depuis quinze jours. En mangeant son omelette, Fabrice fit la conversation avec lui absolument comme d’égal à égal ; il crut voir que Ludovic était l’amant de l’hôtesse. Il termina rapidement son déjeuner, puis dit à demi-voix à Ludovic : J’ai un mot pour vous.

— Votre excellence peut parler librement devant elle, c’est une femme réellement bonne, dit Ludovic d’un air tendre.

— Hé bien, mes amis, reprit Fabrice sans hésiter, je suis malheureux et j’ai besoin de votre secours. D’abord il n’y a rien de politique dans mon