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bâillant et dit à Fabrice : — Attendez, monsieur ; puis, par une habitude de police, il ajouta : Il s’élève une difficulté. Fabrice dit à part soi : Il va s’élever ma fuite.

En effet, l’employé quittait le bureau dont il laissait la porte ouverte, et le passe-port était resté sur la table de sapin. Le danger est évident, pensa Fabrice ; je vais prendre mon passe-port et repasser le pont au petit pas ; je dirai au gendarme, s’il m’interroge, que j’ai oublié de faire viser mon passe-port par le commissaire de police du dernier village des États de Parme. Fabrice avait déjà son passe-port à la main, lorsque, à son inexprimable étonnement, il entendit le commis aux bijoux de cuivre qui disait :

— Ma foi, je n’en puis plus ; la chaleur m’étouffe ; je vais au café prendre la demi-tasse. Entrez au bureau quand vous aurez fini votre pipe, il y a un passe-port à viser ; l’étranger est là.

Fabrice, qui sortait à pas de loup, se trouva face à face avec un beau jeune homme qui se disait en chantonnant : Hé bien, visons donc ce passe-port, je vais leur faire mon paraphe.

— Où monsieur veut-il aller ?

— À Mantoue, Venise et Ferrare.

— Ferrare soit, répondit l’employé en sifflant ; il prit une griffe, imprima le visa en encre bleue sur le passe-port, écrivit rapidement les mots : Mantoue, Venise et Ferrare dans l’espace laissé