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— Personne ne vous poursuit, monsieur, dit-elle à Fabrice d’un grand sang-froid ; et il n’y a personne sur la route devant vous. Vous savez combien les employés de la police autrichienne sont formalistes : s’ils vous voient arriver ainsi au galop, sur la digue au bord du Pô, ils vous arrêteront, n’en ayez aucun doute.

Fabrice regarda par la portière.

— Au trot, dit-il au cocher. Quel passe-port avez-vous ? dit-il à la vieille femme.

– Trois au lieu d’un, répondit-elle, et qui nous ont coûté chacun quatre francs : n’est-ce pas une horreur pour de pauvres artistes dramatiques qui voyagent toute l’année ! Voici le passe-port de M. Giletti, artiste dramatique : ce sera vous ; voici nos deux passe-ports à la Mariettina et à moi. Mais Giletti avait tout notre argent dans sa poche, qu’allons-nous devenir ?

— Combien avait-il ? dit Fabrice.

— Quarante beaux écus de cinq francs, dit la vieille femme.

— C’est-à-dire six et de la petite monnaie, dit la Marietta en riant ; je ne veux pas que l’on trompe mon petit abbé.

— N’est-il pas tout naturel, monsieur, reprit la vieille femme d’un grand sang-froid, que je cherche à vous accrocher trente-quatre écus ? Qu’est-ce que trente-quatre écus pour vous ? et nous, nous avons perdu notre protecteur ; qui