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sil lorsque la voiture, fort délabrée, s’approchant au tout petit pas, il reconnut la petite Marietta ; elle avait à ses côtés le grand escogriffe Giletti, et cette femme âgée qu’elle faisait passer pour sa mère.

Giletti s’imagina que Fabrice s’était placé ainsi au milieu de la route, et un fusil à la main, pour l’insulter et peut-être même pour lui enlever la petite Marietta. En homme de cœur, il sauta à bas de la voiture ; il avait dans la main gauche un grand pistolet fort rouillé, et tenait de la droite une épée encore dans son fourreau, dont il se servait lorsque les besoins de la troupe forçaient de lui confier quelque rôle de marquis.

— Ah, brigand ! s’écria-t-il, je suis bien aise de te trouver ici à une lieue de la frontière ; je vais te faire ton affaire ; tu n’es plus protégé ici par tes bas violets.

Fabrice faisait des mines à la petite Marietta et ne s’occupait guère des cris jaloux du Giletti, lorsque tout à coup il vit à trois pieds de sa poitrine le bout du pistolet rouillé ; il n’eut que le temps de donner un coup sur ce pistolet, en se servant de son fusil comme d’un bâton : le pistolet partit, mais ne blessa personne.

— Arrêtez donc, f… ! cria Giletti au veturino : en même temps il eut l’adresse de sauter sur le bout du fusil de son adversaire et de le tenir éloigné de la direction de son corps ; Fabrice et