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réellement, se disait-il, à toutes les prédictions qu’il m’a faites ; ou bien, comme mon frère m’a fait la réputation d’un jacobin, d’un homme sans foi ni loi, capable de tout, a-t-il voulu seulement m’engager à ne pas céder à la tentation de casser la tête à quelque animal qui m’aura joué un mauvais tour ? Le surlendemain Fabrice était à Parme, où il amusa fort la duchesse et le comte en leur narrant avec la dernière exactitude, comme il faisait toujours, toute l’histoire de son voyage.

À son arrivée, Fabrice trouva le portier et tous les domestiques du palais Sanseverina chargés des insignes du plus grand deuil.

— Quelle perte avons-nous faite ? demanda-t-il à la duchesse.

— Cet excellent homme qu’on appelait mon mari vient de mourir à Baden. Il me laisse ce palais ; c’était une chose convenue, mais en signe de bonne amitié, il y ajoute un legs de trois cent mille francs, qui m’embarrasse fort ; je ne veux pas y renoncer en faveur de sa nièce, la marquise Raversi, qui me joue tous les jours des tours pendables. Toi qui es amateur, il faudra que tu me trouves quelque bon sculpteur ; j’élèverai au duc un tombeau de trois cent mille francs. Le comte se mit à dire des anecdotes sur la Raversi.

— C’est en vain que j’ai cherché à l’amadouer par des bienfaits, dit la duchesse. Quant aux neveux du duc, je les ai tous faits colonels ou gé-