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vieillesse ont produit leur effet. Ce cœur si ferme et si noble est glacé par l’âge. Dieu sait depuis combien de temps il ne va plus à son clocher ! je me cacherai dans le cellier, sous les cuves ou sous le pressoir jusqu’au moment de son réveil ; je n’irai pas troubler le sommeil du bon vieillard ; probablement il aura oublié jusqu’à mes traits ; six ans font beaucoup à cet âge ! je ne trouverai plus que le tombeau d’un ami ! Et c’est un véritable enfantillage, ajouta-t-il, d’être venu ici affronter le dégoût que me cause le château de mon père.

Fabrice entrait alors sur la petite place de l’église ; ce fut avec un étonnement allant jusqu’au délire qu’il vit, au second étage de l’antique clocher, la fenêtre étroite et longue éclairée par la petite lanterne de l’abbé Blanès. L’abbé avait coutume de l’y déposer, en montant à la cage de planches qui formait son observatoire, afin que la clarté ne l’empêchât pas de lire sur son planisphère. Cette carte du ciel était tendue sur un grand vase de terre cuite qui avait appartenu jadis à un oranger du château. Dans l’ouverture, au fond du vase, brûlait la plus exiguë des lampes, dont un petit tuyau de fer-blanc conduisait la fumée hors du vase, et l’ombre du tuyau marquait le nord sur la carte. Tous ces souvenirs de choses si simples inondèrent d’émotions l’âme de Fabrice et la remplirent de bonheur.

Presque sans y songer, il fit avec l’aide de ses