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vait ménager à Parme ; mais en songeant à le consulter Fabrice retrouvait la fraîcheur de ses sensations de seize ans. Le croira-t-on ? ce n’était pas simplement comme homme sage, comme ami parfaitement dévoué, que Fabrice voulait lui parler ; l’objet de cette course et les sentiments qui agitèrent notre héros pendant les cinquante heures qu’elle dura, sont tellement absurdes que sans doute, dans l’intérêt du récit, il eût mieux valu les supprimer. Je crains que la crédulité de Fabrice ne le prive de la sympathie du lecteur ; mais enfin il était ainsi, pourquoi le flatter lui plutôt qu’un autre ? Je n’ai point flatté le comte Mosca ni le prince.

Fabrice donc, puisqu’il faut tout dire, Fabrice reconduisit sa mère jusqu’au port de Laveno, rive gauche du lac Majeur, rive autrichienne, où elle descendit vers les huit heures du soir. (Le lac est considéré comme un pays neutre, et l’on ne demande point de passe-port à qui ne descend point à terre.) Mais à peine la nuit fut-elle venue, qu’il se fit débarquer sur cette même rive autrichienne, au milieu d’un petit bois qui avance dans les flots. Il avait loué une sédiola, sorte de tilbury champêtre et rapide, à l’aide duquel il put suivre, à cinq cents pas de distance, la voiture de sa mère ; il était déguisé en domestique de la casa del Dongo, et aucun des nombreux employés de la police ou de la douane n’eut l’idée de lui de-