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publics de Parme. Le comte ordonna à cet homme de faire venir à l’instant Chékina, sa maîtresse. L’homme obéit, et une heure plus tard le comte parut à l’improviste dans la chambre où cette fille se trouvait avec son prétendu. Le comte les effraya tous deux par la quantité d’or qu’il leur donna, puis il adressa ce peu de mots à la tremblante Chékina, en la regardant entre les deux yeux :

— La duchesse fait-elle l’amour avec monsignore ?

— Non, dit cette fille en prenant sa résolution après un moment de silence ;… non, pas encore, mais il baise souvent les mains de madame, en riant il est vrai, mais avec transport.

Ce témoignage fut complété par cent réponses à autant de questions furibondes du comte ; sa passion inquiète fit bien gagner à ces pauvres gens l’argent qu’il leur avait jeté : il finit par croire à ce qu’on lui disait, et fut moins malheureux. — Si jamais la duchesse se doute de cet entretien, dit-il à Chékina, j’enverrai votre prétendu passer vingt ans à la forteresse, et vous ne le reverrez qu’en cheveux blancs.

Quelques jours se passèrent, pendant lesquels Fabrice à son tour perdit toute sa gaieté.

— Je t’assure, disait-il à la duchesse, que le comte Mosca a de l’antipathie pour moi.

— Tant pis pour Son Excellence, répondait-elle avec une sorte d’humeur.