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avant moi, et Balzac lui-même, dans ce panégyrique à outrance qu’il avait fait de l’œuvre, avait passé condamnation sur cet article. C’est aussi, hélas ! un livre mal écrit. D’autres se piquent de style ; Stendhal se piquait de n’en point avoir. Il prétendait qu’avant de se mettre à la besogne, il lisait deux ou trois chapitres du Code pour se donner le ton. C’était une pose ajoutée à tant d’autres. Le fait est que Stendhal, comme beaucoup d’honnêtes gens, avait une conscience obscure de ses défauts et les avait, à l’aide d’une belle théorie, érigés en qualités. Il écrivait très vite, au courant de la plume, ne s’occupant que des choses à dire, sans se mettre en peine du tour à leur donner. Son ami Colomb, qui a laissé de lui une biographie très minutieuse, conte qu’un jour, rassemblant sur sa table de travail les cahiers épars du manuscrit de la Chartreuse de Parme, il n’en put retrouver un qui s’était égaré. C’était un cahier de soixante à quatre-vingts pages. Il ne perdit pas son temps à le chercher. Il le récrivit à bride abattue. Quand il eut fini, son ami Colomb, qui fouillait toujours, mit la main sur le précieux cahier, qui s’était enfoui sous une liasse de vieux papiers. Stendhal ne voulut pas même le relire et comparer les deux manuscrits. Il faisait profession de tenir en médiocre estime la façon d’exprimer ses idées.