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démêler les secrets ressorts de nos actions, à démonter en quelque sorte l’âme de ses héros, pour voir le jeu de chaque rouage. Il semble qu’il ait inoculé cette passion à ses personnages ; tous se regardent, s’examinent, se scrutent, et, pour me servir d’une jolie comparaison de M. Émile Zola, ils s’écoutent penser, comme un enfant qui met son oreille à une montre. De là des monologues, qui sont fréquents et interminables. Ils nous plaisent à nous que l’éducation universitaire a rompus aux subtilités de l’analyse la plus poussée et la plus délicate ; à nous qui lisons avec un plaisir toujours nouveau tous les moralistes, La-Rochefoucauld, La Bruyère, Joubert, et tant d’autres qui sont en quelque sorte les chimistes du cœur humain. Toute cette chimie ne plaît qu’à demi aux femmes.

Elles prendront leur revanche en lisant les derniers chapitres de la Chartreuse de Parme, qui devient un vrai roman d’aventure.

Qui ne sait l’histoire de Fabrice en prison, oubliant d’être malheureux pour causer d’amour avec la belle Clélia Conti, à travers le grillage d’une fenêtre ! Qui ne se rappelle cet admirable récit d’évasion, qui peut pour l’intérêt poignant de la scène être mis à côté de celui de Monte Christo ou des Mémoires de Casanova !