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deries, mais en général Fabrice suivait assez sagement la ligne de conduite qu’on lui avait indiquée : un grand seigneur qui étudie la théologie et qui ne compte point absolument sur sa vertu pour faire son avancement. À Naples, il s’était pris d’un goût très vif pour l’étude de l’antiquité, il faisait des fouilles ; cette passion avait presque remplacé celle des chevaux. Il avait vendu ses chevaux anglais pour continuer des fouilles à Misène, où il avait trouvé un buste de Tibère, jeune encore, qui avait pris rang parmi les plus beaux restes de l’antiquité. La découverte de ce buste fut presque le plaisir le plus vif qu’il eût rencontré à Naples. Il avait l’âme trop haute pour chercher à imiter les autres jeunes gens, et, par exemple, pour vouloir jouer avec un certain sérieux le rôle d’amoureux. Sans doute il ne manquait point de maîtresses, mais elles n’étaient pour lui d’aucune conséquence, et, malgré son âge, on pouvait dire de lui qu’il ne connaissait point l’amour ; il n’en était que plus aimé. Rien ne l’empêchait d’agir avec le plus beau sang-froid, car pour lui une femme jeune et jolie était toujours l’égale d’une autre femme jeune et jolie ; seulement la dernière connue lui semblait la plus piquante. Une des dames les plus admirées à Naples avait fait des folies en son honneur pendant la dernière année de son séjour, ce qui d’abord l’avait amusé, et avait fini par l’excéder d’ennui, tellement qu’un