Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 188 —

pérant fort qu’ils choqueraient le prince. En effet, Ernest IV répétait souvent que l’essentiel était surtout de frapper les imaginations. Toujours est un grand mot, disait-il, et plus terrible en Italie qu’ailleurs : en conséquence, de sa vie il n’avait accordé de grâce. Huit jours après sa visite à la forteresse, la duchesse reçut une lettre de commutation de peine, signée du prince et du ministre, avec le nom en blanc. Le prisonnier dont elle écrirait le nom devait obtenir la restitution de ses biens, et la permission d’aller passer en Amérique le reste de ses jours. La duchesse écrivit le nom de l’homme qui lui avait parlé. Par malheur cet homme se trouva un demi-coquin, une âme faible ; c’était sur ses aveux que le fameux Ferrante Palla avait été condamné à mort.

La singularité de cette grâce mit le comble à l’agrément de la position de Mme Sanseverina. Le comte Mosca était fou de bonheur ; ce fut une belle époque de sa vie, et elle eut une influence décisive sur les destinées de Fabrice. Celui-ci était toujours à Romagnan, près de Novare, se confessant, chassant, ne lisant point et faisant la cour à une femme noble comme le portaient ses instructions. La duchesse était toujours un peu choquée de cette dernière nécessité. Un autre signe qui ne valait rien pour le comte, c’est qu’étant avec lui de la dernière franchise sur tout au monde, et pensant tout haut en sa présence, elle