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d’une façon allègre et n’être pas vieux avant le temps. Le prince a donné son approbation ; Sanseverina est un personnage plutôt bien que mal ; il possède le plus beau palais de Parme et une fortune sans bornes ; il a soixante-huit ans et une passion folle pour le grand cordon ; mais une grande tache gâte sa vie, il acheta jadis dix mille francs un buste de Napoléon par Canova. Son second péché qui le fera mourir, si vous ne venez à son secours, c’est d’avoir prêté vingt-cinq napoléons à Ferrante Palla, un fou de notre pays, mais quelque peu homme de génie, que depuis nous avons condamné à mort, heureusement par contumace. Ce Ferrante a fait deux cents vers en sa vie, dont rien n’approche ; je vous les réciterai, c’est aussi beau que le Dante. Le prince envoie Sanseverina à la cour de ***, il vous épouse le jour de son départ, et la seconde année de son voyage, qu’il appellera une ambassade, il reçoit ce cordon de *** sans lequel il ne peut vivre. Vous aurez en lui un frère qui ne sera nullement désagréable, il signe d’avance tous les papiers que je veux, et d’ailleurs vous le verrez peu ou jamais, comme il vous conviendra. Il ne demande pas mieux que de ne point se montrer à Parme où son grand-père fermier et son prétendu libéralisme le gênent. Rassi, notre bourreau, prétend que le duc a été abonné en secret au Constitutionnel par l’intermédiaire de Ferrante Palla le poëte, et cette