Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— XIII —

point affaibli pour moi, et j’ai encore lu avec ravissement ces pages exquises. On voit là une peinture exacte et animée tout à la fois de ce que furent les joies, les tristesses, les espérances, les façons de vivre et d’être heureux de l’Italie du Nord, depuis 1796, époque de la première campagne d’Italie, jusqu’en 1813, année où prirent fin les beaux jours de la cour du prince Eugène.

C’est un tableau merveilleux, d’un trait étonnamment précis et d’une couleur bien vive : Stendhal peignait là ce qu’il avait vu de ses yeux, et il n’y en eut jamais de plus perçants. On sent dans tous ces chapitres une note personnelle qui leur donne une saveur toute particulière.

C’est là que se trouve ce fameux récit de la bataille de Waterloo, qui est resté un modèle de narration ; on l’a refait vingt fois, sans jamais égaler la première épreuve. Vous verrez en le lisant que Fabrice assista à la bataille de Waterloo, sans savoir si c’est réellement une bataille dont il a été témoin, et si vraiment on peut dire qu’il s’est battu. Admettons, si l’on veut et pour faire plaisir à M. Émile Zola, que ces trente pages soient un hors-d’œuvre ; mais ce serait alors le cas de s’écrier : Felix culpa ! car ce hors-d’œuvre est un pur chef-d’œuvre. Je ne serais pas étonné que de tout le roman ce ne fussent ces premiers chapitres