Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 144 —

veu, s’était-il dit avec amertume, car il n’était point guéri. Altière comme elle l’est, être venue chez moi !… À la mort de ce pauvre Pietranera, elle repoussa avec horreur mes offres de service, quoique fort polies et très bien présentées par le colonel Scotti, son ancien amant. La belle Pietranera vivre avec 1500 francs ! ajoutait le chanoine en se promenant avec action dans sa chambre… Puis aller habiter le château de Grianta avec un abominable secatore, ce marquis del Dongo !… Tout s’explique maintenant !… Au fait, ce jeune Fabrice est plein de grâces, grand, bien fait, une figure toujours riante… et, mieux que cela, un certain regard chargé de douce volupté… une physionomie à la Corrége, ajoutait le chanoine avec amertume.

La différence d’âge… point trop grande… Fabrice né après l’entrée des Français, vers 98, ce me semble ; la comtesse peut avoir vingt-sept ou vingt-huit ans : impossible d’être plus jolie, plus adorable ; dans ce pays fertile en beautés, elle les bat toutes ; la Marini, la Gherardi, la Ruga, l’Aresi, la Pietragrua, elle l’emporte sur toutes ces femmes… Ils vivaient heureux cachés sur ce beau lac de Côme quand le jeune homme a voulu rejoindre Napoléon… Il y a encore des âmes en Italie ! et quoi qu’on fasse ! Chère patrie !… Non, continuait ce cœur enflammé par la jalousie, impossible d’exprimer autrement cette