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heures du matin. Fabrice, qui regardait fort attentivement de tous les côtés, cherchant le moyen de se sauver, vit déboucher d’un petit sentier à travers champs et arriver sur la grande route, couverte de poussière, une jeune fille de quatorze à quinze ans qui pleurait timidement sous son mouchoir. Elle s’avançait à pied entre deux gendarmes en uniforme, et, à trois pas derrière elle, aussi entre deux gendarmes, marchait un grand homme sec qui affectait des airs de dignité comme un préfet suivant une procession.

— Où les avez-vous donc trouvés ? dit le maréchal-des-logis tout à fait ivre en ce moment.

— Se sauvant à travers champs, et pas plus de passe-ports que sur la main.

Le maréchal-des-logis parut perdre tout à fait la tête ; il avait devant lui cinq prisonniers au lieu de deux qu’il fallait. Il s’éloigna de quelques pas, ne laissant qu’un homme pour garder le prisonnier qui faisait de la majesté, et un autre pour empêcher les chevaux d’avancer.

— Reste, dit la comtesse à Fabrice qui déjà avait sauté à terre, tout va s’arranger.

On entendit un gendarme s’écrier :

— Qu’importe ! s’ils n’ont pas de passe-ports ils sont de bonne prise tout de même. Le maréchal-des-logis semblait n’être pas tout à fait aussi décidé : le nom de la comtesse Pietranera lui donnait de l’inquiétude ; il avait connu le général,