Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— X —

drissement et d’inquiétude que l’on sent quand on se retrouve en présence d’une ancienne maîtresse que l’on a beaucoup aimée autrefois, et depuis longtemps perdue de vue. On ne saurait la regarder sans émotion, car chacun des traits de son visage rappelle le souvenir des illusions premières, et rien de plus délicieux que cette lointaine image ; mais on est averti en même temps, par une foule de signes qui éclatent aux yeux, des imperfections que l’on n’avait pas aperçues alors et que l’âge a encore accentuées.

C’est cette épreuve que je viens de faire subir à la Chartreuse de Parme, sur l’invitation de M. Conquet, qui m’avait prié d’écrire une préface pour cette édition.

Qui eût dit à Stendhal, il y a quarante ans, qu’un jour viendrait où son œuvre de prédilection serait choisie par un éditeur, ami des beaux livres, pour être relevée de toutes les séductions de la typographie, pour être enrichie de toutes les lumières et de toutes les grâces que l’art du dessin ajoute au texte, pour être offerte, comme une perle rare dans un magnifique écrin, à un public d’amateurs triés sur le volet ? J’imagine que s’il pouvait revenir au monde et s’admirer sous ce vêtement somptueux, il sentirait quelque chose de cette orgueilleuse satisfaction