Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 118 —

hôtesses de les coudre dans les vêtements qu’on venait d’acheter. On avait apporté avec les habits une belle paire de bottes neuves. Fabrice n’hésita point à prier ces bonnes filles de couper les bottes à la hussarde à l’endroit qu’il leur indiqua, et l’on cacha ses petits diamants dans la doublure des nouvelles bottes.

Par un effet singulier de la perte du sang et de la faiblesse qui en était la suite, Fabrice avait presque tout à fait oublié le français ; il s’adressait en italien à ses hôtesses, qui parlaient un patois flamand, de façon que l’on s’entendait presque uniquement par signes. Quand les jeunes filles, d’ailleurs parfaitement désintéressées, virent les diamants, leur enthousiasme pour lui n’eut plus de bornes ; elles le crurent un prince déguisé. Aniken, la cadette et la plus naïve, l’embrassa sans autre façon. Fabrice, de son côté, les trouvait charmantes ; et vers minuit, lorsque le chirurgien lui eut permis un peu de vin, à cause de la route qu’il allait entreprendre, il avait presque envie de ne pas partir. Où pourrais-je être mieux qu’ici ? disait-il. Toutefois, sur les deux heures du matin, il s’habilla. Au moment de sortir de sa chambre, la bonne hôtesse lui apprit que son cheval avait été emmené par l’officier qui, quelques heures auparavant, était venu faire la visite de la maison.

— Ah, canaille ! s’écriait Fabrice en jurant, à