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— Cet officier ne vient-il pas m’écrire sur une liste, et me faire prisonnier ? L’hôtesse en convint les larmes aux yeux.

— Eh bien ! il y a de l’argent dans mon dolman ! s’écria-t-il en se relevant sur son lit ; achetez-moi des habits bourgeois, et, cette nuit, je pars sur mon cheval. Vous m’avez déjà sauvé la vie une fois en me recevant au moment où j’allais tomber mourant dans la rue ; sauvez-la-moi encore en me donnant les moyens de rejoindre ma mère.

En ce moment, les filles de l’hôtesse se mirent à fondre en larmes ; elles tremblaient pour Fabrice ; et, comme elles comprenaient à peine le français, elles s’approchèrent de son lit pour lui faire des questions. Elles discutèrent en flamand avec leur mère ; mais, à chaque instant, des yeux attendris se tournaient vers notre héros ; il crut comprendre que sa fuite pouvait les compromettre gravement, mais qu’elles voulaient bien en courir la chance. Il les remercia avec effusion et en joignant les mains. Un juif du pays fournit un habillement complet ; mais, quand il l’apporta vers les dix heures du soir, ces demoiselles reconnurent, en comparant l’habit avec le dolman de Fabrice, qu’il fallait le rétrécir infiniment. Aussitôt elles se mirent à l’ouvrage ; il n’y avait pas de temps à perdre. Fabrice indiqua quelques napoléons cachés dans ses habits, et pria ses