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des bandes et fort chaud. Et le vieux colonel, que sera-t-il devenu ? Il a donné sa chemise pour panser mon bras. Notre héros était ce matin-là du plus beau sang-froid du monde ; la quantité de sang qu’il avait perdue l’avait délivré de toute la partie romanesque de son caractère.

À droite ! se dit-il, et filons. Il se mit tranquillement à suivre le cours de la rivière, qui, après avoir passé sous le pont, coulait vers la droite de la route. Il se rappelait les conseils de la bonne cantinière. Quelle amitié ! se disait-il, quel caractère ouvert !

Après une heure de marche, il se trouva très faible. Ah çà ! vais-je m’évanouir ? se dit-il ; si je m’évanouis, on me vole mon cheval, et peut-être mes habits, et avec les habits le trésor. Il n’avait plus la force de conduire son cheval, et il cherchait à se tenir en équilibre lorsqu’un paysan, qui bêchait dans un champ à côté de la grande route, vit sa pâleur et vint lui offrir un verre de bière et du pain.

— À vous voir si pâle, j’ai pensé que vous étiez un des blessés de la grande bataille ! lui dit le paysan. Jamais secours ne vint plus à propos. Au moment où Fabrice mâchait le morceau de pain noir, les yeux commençaient à lui faire mal quand il regardait devant lui. Quand il fut un peu remis, il remercia. Et où suis-je ? demanda-t-il. Le paysan lui apprit qu’à trois quarts de