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Il y avait à peine une demi-heure que Fabrice était en sentinelle au pont, quand il vit arriver six chasseurs montés et trois à pied ; il leur communique l’ordre du colonel. – Nous allons revenir, disent quatre des chasseurs montés, et ils passent le pont au grand trot. Fabrice parlait alors aux deux autres. Durant la discussion, qui s’animait, les trois hommes à pied passent le pont. Un des deux chasseurs montés qui restaient finit par demander à revoir l’ordre, et l’emporta en disant :

— Je vais le porter à mes camarades, qui ne manqueront pas de revenir ; attends-les ferme. Et il part au galop ; son camarade le suit. Tout cela fut fait en un clin d’œil.

Fabrice, furieux, appela un des soldats blessés, qui parut à une des fenêtres du Cheval-Blanc. Ce soldat, auquel Fabrice vit des galons de maréchal-des-logis, descendit et lui cria en s’approchant :

— Sabre à la main donc ! vous êtes en faction. Fabrice obéit, puis lui dit : — Ils ont emporté l’ordre.

— Ils ont de l’humeur de l’affaire d’hier, reprit l’autre d’un air morne. Je vais vous donner un de mes pistolets ; si l’on force de nouveau la consigne, tirez-le en l’air, je viendrai, ou le colonel lui-même paraîtra.

Fabrice avait fort bien vu un geste de surprise