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rassemblait son cheval et s’avançait au plus petit pas possible.

— Avancez donc, hussard ! lui cria l’officier d’un air d’autorité.

Fabrice avança quelques pas et s’arrêta.

— Voulez-vous me prendre mon cheval ? cria-t-il.

— Pas le moins du monde ; avancez.

Fabrice regarda l’officier : il avait des moustaches blanches, et l’air le plus honnête du monde ; le mouchoir qui soutenait son bras gauche était plein de sang, et sa main droite aussi était enveloppée d’un linge sanglant. Ce sont les piétons qui vont sauter à la bride de mon cheval, se dit Fabrice ; mais, en y regardant de près, il vit que les piétons aussi étaient blessés.

— Au nom de l’honneur, lui dit l’officier qui portait les épaulettes de colonel, restez ici en vedette, et dites à tous les dragons, chasseurs et hussards que vous verrez, que le colonel Le Baron est dans l’auberge que voilà, et que je leur ordonne de venir me joindre. Le vieux colonel avait l’air navré de douleur ; dès le premier mot il avait fait la conquête de notre héros, qui lui répondit avec bon sens :

— Je suis jeune, monsieur, pour que l’on veuille m’écouter ; il faudrait un ordre écrit de votre main.

— Il a raison, dit le colonel en le regardant