Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/130

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 94 —

Boulot, ou, gare la prison dont le sort me menace ! le caporal et la cantinière avaient échangé plusieurs mots sur son compte.

— Ne m’accusez pas d’être une curieuse, lui dit la cantinière en cessant de le tutoyer ; c’est pour votre bien que je vous fais des questions. Qui êtes-vous, là, réellement ?

Fabrice ne répondit pas d’abord ; il considérait que jamais il ne pourrait trouver d’amis plus dévoués pour leur demander conseil, et il avait un pressant besoin de conseils. Nous allons entrer dans une place de guerre, le gouverneur voudra savoir qui je suis, et gare la prison si je fais voir par mes réponses que je ne connais personne au 4e régiment de hussards dont je porte l’uniforme ! En sa qualité de sujet de l’Autriche, Fabrice savait toute l’importance qu’il faut attacher à un passe-port. Les membres de sa famille, quoique nobles et dévots, quoique appartenant au parti vainqueur, avaient été vexés plus de vingt fois à l’occasion de leurs passe-ports ; il ne fut donc nullement choqué de la question que lui adressait la cantinière. Mais comme, avant que de répondre, il cherchait les mots français les plus clairs, la cantinière, piquée d’une vive curiosité, ajouta pour l’engager à parler : Le caporal Aubry et moi nous allons vous donner de bons avis pour vous conduire.

— Je n’en doute pas, répondit Fabrice : je