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extrême curiosité. Au bout d’un moment, il entendit partir sept à huit coups de fusil tout près de lui. Mais, ne recevant pas l’ordre de tirer, il se tenait tranquille derrière son arbre. Il était presque nuit ; il lui semblait être à l’espère, à la chasse de l’ours, dans la montagne de la Tramezzina, au-dessus de Grianta. Il lui vint une idée de chasseur ; il prit une cartouche dans sa giberne et en détacha la balle : Si je le vois, dit-il, il ne faut pas que je le manque, et il fit couler cette seconde balle dans le canon de son fusil. Il entendit tirer deux coups de feu tout à côté de son arbre ; en même temps il vit un cavalier vêtu de bleu qui passait au galop devant lui, se dirigeant de sa droite à sa gauche. — Il n’est pas à trois pas, se dit-il, mais à cette distance je suis sûr de mon coup. Il suivit bien le cavalier du bout de son fusil et enfin pressa la détente ; le cavalier tomba avec son cheval. Notre héros se croyait à la chasse : il courut tout joyeux sur la pièce qu’il venait d’abattre. Il touchait déjà l’homme, qui lui semblait mourant, lorsqu’avec une rapidité incroyable deux cavaliers prussiens arrivèrent sur lui pour le sabrer. Fabrice se sauva à toutes jambes vers le bois ; pour mieux courir il jeta son fusil. Les cavaliers prussiens n’étaient plus qu’à trois pas de lui lorsqu’il atteignit une nouvelle plantation de petits chênes gros comme le bras et bien droits qui bordaient le bois. Ces petits chênes arrêtèrent