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— IV —

petit fait, simple, nu et probant ; son style sec et précis ; son goût de psychologie exacte et minutieuse ; son horreur des généralités vagues et de la phrase flottante ; son mépris des vérités convenues et sa façon ironique d’en parler ; il n’y avait pas jusqu’aux obscurités calculées dont il enveloppe parfois sa pensée, jusqu’aux réticences derrière lesquelles il la dérobe, qui ne nous charmassent. Nous lui pardonnions tout ; ou plutôt nous n’avions rien à lui pardonner : nous l’aimions pour ses défauts tout autant que pour ses qualités ; ses défauts étaient une séduction de plus. Jamais il ne se vit pareil engouement.

Je puis bien dire que j’ai lu plus de vingt fois en ma jeunesse et la Chartreuse de Parme, et le Rouge et le Noir, et l’Amour, et les Chroniques italiennes, et qu’à chaque fois j’y trouvais de nouvelles raisons d’admirer ; j’étais, ou pour mieux parler, nous étions victimes de ce phénomène, qu’il a si joliment décrit au début de son livre de l’Amour, et qu’il appelle la cristallisation. Nous avons, la chose est positive, cristallisé pour Stendhal, et cela n’a pas duré qu’un jour.

Au sortir de l’école, nous nous sommes répandus dans le monde. Quelques-uns de nous sont arrivés d’un train plus ou moins rapide à la célébrité ; nous avons tous travaillé à propager les