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Une fois cette résolution bien arrêtée de renoncer au ministère si les rigueurs à l’égard de Fabrice dépassaient celles d’une simple détention, le comte se dit : Si un caprice de la vanité de cet homme imprudemment bravée me coûte le bonheur, du moins l’honneur me restera… À propos, puisque je me moque de mon portefeuille, je puis me permettre cent actions qui, ce matin encore, m’eussent semblé hors du possible. Par exemple, je vais tenter tout ce qui est humainement faisable pour faire évader Fabrice… Grand Dieu ! s’écria le comte en s’interrompant ; et ses yeux s’ouvrant à l’excès comme à la vue d’un bonheur imprévu, la duchesse ne m’a pas parlé d’évasion, aurait-elle manqué de sincérité une fois en sa vie, et la brouille ne serait-elle que le désir que je trahisse le prince ? Ma foi, c’est fait !

L’œil du comte avait repris toute sa finesse satirique. Cet aimable fiscal Rassi est payé par le maître pour toutes les sentences qui nous déshonorent en Europe, mais il n’est pas homme à refuser d’être payé par moi pour trahir les secrets du maître. Cet animal-là a une maîtresse et un confesseur, mais la maîtresse est d’une trop vile espèce pour que je puisse lui parler, le lendemain elle raconterait l’entrevue à toutes les fruitières du voisinage.