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avant tout le bonheur du comte Mosca della Rovère ; mais il était plein d’honneur et parfaitement sincère lorsqu’il parlait de sa démission. De la vie il n’avait dit un mensonge à la duchesse ; celle-ci du reste ne fit pas la moindre attention à cette lettre ; son parti, et un parti bien pénible, était pris, feindre d’oublier Fabrice ; après cet effort, tout lui était indifférent.

Le lendemain, sur le midi, le comte, qui avait passé dix fois au palais Sanseverina, enfin fut admis ; il fut atterré à la vue de la duchesse… Elle a quarante ans ! se dit-il, et hier si brillante ! si jeune !… Tout le monde me dit que, durant sa longue conversation avec la Clélia Conti, elle avait l’air aussi jeune et bien autrement séduisante.

La voix, le ton de la duchesse étaient aussi étranges que l’aspect de sa personne. Ce ton, dépouillé de toute passion, de tout intérêt humain, de toute colère, fit pâlir le comte ; il lui rappela la façon d’être d’un de ses amis qui, peu de mois auparavant, sur le point de mourir, et ayant déjà reçu les sacrements, avait voulu l’entretenir.

Après quelques minutes, la duchesse put lui parler. Elle le regarda, et ses yeux restèrent éteints :

— Séparons-nous, mon cher comte, lui