Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mélancolie de sa figure. Comme elle est embellie, pensa-t-il, depuis notre rencontre près de Côme ! quelle expression de pensée profonde !… On a raison de la comparer à la duchesse ; quelle physionomie angélique ! Barbone, le commis sanglant, qui ne s’était pas placé près de la voiture sans intention, arrêta d’un geste les trois gendarmes qui conduisaient Fabrice, et, faisant le tour de la voiture par derrière, pour arriver à la portière près de laquelle était le général :

— Comme le prisonnier a fait acte de violence dans l’intérieur de la citadelle, lui dit-il, en vertu de l’article 157 du règlement, n’y aurait-il pas lieu de lui appliquer les menottes pour trois jours ?

— Allez au diable ! s’écria le général, que cette arrestation ne laissait pas d’embarrasser. Il s’agissait pour lui de ne pousser à bout ni la duchesse ni le comte Mosca ; et d’ailleurs, dans quel sens le comte allait-il prendre cette affaire ? au fond, le meurtre d’un Giletti était une bagatelle, et l’intrigue seule était parvenue à en faire quelque chose.

Durant ce court dialogue, Fabrice était superbe au milieu de ces gendarmes, c’était bien la mine la plus fière et la plus noble ; ses traits fins et délicats, et le sourire de mépris qui errait sur ses lèvres, faisaient un charmant contraste avec les