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— J’ai fait vœu à la Madone, comme tu sais, de ne jamais te voir ; c’est pourquoi je te reçois dans cette obscurité profonde. Je veux bien que tu saches que, si jamais tu me forçais à te regarder en plein jour, tout serait fini entre nous. Mais d’abord, je ne veux pas que tu prêches devant Anetta Marini, et ne va pas croire que c’est moi qui ai eu la sottise de faire porter un fauteuil dans la maison de Dieu.

— Mon cher ange, je ne prêcherai plus devant qui que ce soit ; je n’ai prêché que dans l’espoir qu’un jour je te verrais.

— Ne parle pas ainsi, songe qu’il ne m’est pas permis, à moi, de te voir.

Ici, nous demandons la permission de passer, sans en dire un seul mot, sur un espace de trois années.

À l’époque où reprend notre récit, il y avait déjà longtemps que le comte Mosca était de retour à Parme, comme premier ministre, plus puissant que jamais.

Après ces trois années de bonheur divin, l’âme de Fabrice eut un caprice de tendresse qui vint tout changer. La marquise avait un charmant petit garçon de deux ans, Sandrino, qui faisait la joie de sa mère ; il était toujours avec elle ou sur les genoux du marquis Crescenzi ; Fabrice, au contraire, ne le voyait presque