Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/456

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la veille, étaient choisies en général presque vis-à-vis la chaire, mais un peu du côté du grand autel, car elle avait remarqué que le coadjuteur se tournait souvent vers l’autel. Or, ce que le public avait remarqué aussi, c’est que non rarement les yeux si parlants du jeune prédicateur s’arrêtaient avec complaisance sur la jeune héritière, cette beauté si piquante et apparemment avec quelque attention, car, dès qu’il avait les yeux fixés sur elle, son sermon devenait savant ; les citations y abondaient, l’on n’y trouvait plus de ces mouvements qui partent du cœur ; et les dames, pour qui l’intérêt cessait presque aussitôt, se mettaient à regarder la Marini et à en médire.

Clélia se fit répéter jusqu’à trois fois tous ces détails singuliers. À la troisième, elle devint fort rêveuse ; elle calculait qu’il y avait justement quatorze mois qu’elle n’avait vu Fabrice. Y aurait-il un bien grand mal, se disait-elle, à passer une heure dans une église, non pour voir Fabrice, mais pour entendre un prédicateur célèbre ? D’ailleurs, je me placerai loin de la chaire, et je ne regarderai Fabrice qu’une fois en entrant et une autre fois à la fin du sermon… Non, se disait Clélia, ce n’est pas Fabrice que je vais voir, je vais entendre le prédicateur