Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le seul genre de littérature qui ait encore un peu de vie à la vérité ; il n’est pas soumis à la censure, et les courtisans de la casa Crescenzi annonçaient toujours leur sonnet par ces mots : Madame la marquise veut-elle permettre que l’on récite devant elle un bien mauvais sonnet ? et quand le sonnet avait fait rire et avait été répété deux ou trois fois, l’un des officiers ne manquait pas de s’écrier : Monsieur le ministre de la police devrait bien s’occuper de faire un peu pendre les auteurs de telles infamies. Les sociétés bourgeoises, au contraire, accueillent ces sonnets avec l’admiration la plus franche, et les clercs de procureurs en vendent des copies.

D’après la sorte de curiosité montrée par la marquise, Gonzo se figura qu’on avait trop vanté devant elle, la beauté de la petite Marini, qui d’ailleurs avait un million de fortune, et qu’elle en était jalouse. Comme avec son sourire continu et son effronterie complète envers tout ce qui n’était pas noble, Gonzo pénétrait partout, dès le lendemain il arriva dans le salon de la marquise, portant son chapeau à plumes d’une certaine façon triomphante et qu’on ne lui voyait guère qu’une fois ou deux chaque année, lorsque le prince lui avait dit : Adieu, Gonzo.