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marquise Crescenzi pourrait bien un jour venir assister à l’un de ses sermons. Tout à coup le public ravi s’aperçut que son talent redoublait ; il se permettait, quand il était ému, des images dont la hardiesse eût fait frémir les orateurs les plus exercés ; quelquefois, s’oubliant soi-même, il se livrait à des moments d’inspiration passionnée, et tout l’auditoire fondait en larmes. Mais c’était en vain que son œil aggrottato cherchait parmi tant de figures tournées vers la chaire celle dont la présence eût été pour lui un si grand événement.

Mais si jamais j’ai ce bonheur, se dit-il, ou je me trouverai mal, ou je resterai absolument court. Pour parer à ce dernier inconvénient, il avait composé une sorte de prière tendre et passionnée qu’il plaçait toujours dans sa chaire, sur un tabouret ; il avait le projet de se mettre à lire ce morceau, si jamais la présence de la marquise venait le mettre hors d’état de trouver un mot.

Il apprit un jour, par ceux des domestiques du marquis qui étaient à sa solde, que des ordres avaient été donnés afin que l’on préparât pour le lendemain la loge de la Casa Crescenzi au grand théâtre. Il y avait une année que la marquise n’avait paru à aucun spectacle, et c’était